Opus Numerica - Le Blog. Communication Digitale et Stratégies Numériques

Êtes-vous à l’abri de la régression par le numérique ?

par | 2 Mai 2017

Référencement SEO, limitation du langage, ego superstar, posture physique, « numérique » ou « digital », protection des données, respect de la vie privée… Je suis frappée par le nombre de services et de situations, sur internet, qui tendent à infantiliser l’utilisateur, menant à une forme de régression par le numérique. Ceci est un billet d’humeur inspiré par mes pérégrinations sur le web des dernières semaines.

Trop de SEO tue le SEO et la lisibilité

À trop vouloir formuler les arguments commerciaux de manière à optimiser le référencement naturel, on finit par se retrouver avec des textes au contenu un peu absurdes, ou avec des listes à la Prévert de termes supposés correspondre aux mots-clés saisis par les internautes sur Google.

Sans aller jusqu’à prétendre que la rédaction SEO est un art, elle ne repose pas uniquement sur une série de « ficelles ». Elle requiert technique, culture, finesse et une certaine intelligence des situations. La maîtrise de la langue française ne sert pas seulement à « faire des phrases » ; elle permet aussi de synthétiser ce qui peut l’être tout en conservant le sens et la fluidité de lecture.

L’obsession du score SEO et de l’efficacité marketing finissent par tuer les subtilités de la langue et contribuent à niveler le langage par le bas : tel mot est trop compliqué, telle phrase est trop longue, tel passage n’apporte pas d’élément intéressant (entendre : sur le plan commercial) – et puis, c’est bien connu, « les gens ne lisent plus ». Donc on réduit, on supprime ce qui « ne sert à rien », on multiplie les liens commerciaux…

Question : Vaut-il mieux un contenu qui apporte du référencement ou un contenu qu’on a envie de lire ? Votre cible marketing, est-ce Google ou un groupe d’êtres humains ?

Du langage SMS aux partages sur les réseaux sociaux

La structure des phrases finit ainsi par se réduire à sa plus simple expression : sujet, verbe, complément, dans une forme que je qualifierais plutôt de simpliste que de minimaliste (ceci n’est pas avantageux). Même si tout le monde n’a pas d’ambitions littéraires, on pourrait attendre d’un adulte un minimum éduqué qu’il utilise plus de cinq cents mots.

Il est vrai que les conditions de publication sur Twitter mais aussi sur Facebook, LinkedIn et autres réseaux sociaux imposent souvent un nombre maximum de caractères qui ne permet pas forcément les fioritures. Mais là aussi, on peut aller à l’essentiel tout en conservant une certaine finesse dans la formulation. Il est vrai que cela nécessite parfois un temps de réflexion supplémentaire et donc la capacité à différer la satisfaction du travail (bien) accompli.

Personal branding et régression psychique

Ego superstar ? J’observe une tendance, dans les newsletters et les réseaux dits professionnels, à communiquer directement sur les statistiques de fréquentation de ses propre blog, site, newsletter, etc. – c’est-à-dire que le nombre de vues constituent le titre et le sujet même des articles. À tel point que parfois, on ne sait plus trop quelle est la nature du projet, du produit ou du service qui bénéficie d’une telle popularité. Être populaire, argument marketing ultime de l’entrepreneur ?

Dans la « vraie vie » (plaisanterie désormais vintage car Facebook et les autres plateformes numériques, semble-t-il, font maintenant aussi partie de la « vraie vie » – ce qui ne laisse pas de m’interroger quant à la capacité effective de l’individu à distinguer le virtuel, la réalité et le réel), avez-vous vraiment envie d’en savoir plus sur quelqu’un qui vient à vous en disant : « Moi j’ai X contacts dans mon carnet d’adresses, j’ai serré X mains, j’ai reçu X lettres cette semaine. » ? Que répondre à cette personne ? « C’est bieeeeen… »

« Que dites-vous après avoir dit bonjour ? », demandait Éric Berne dès les années 60s en posant les bases de l’analyse transactionnelle, qui par ailleurs montre qu’il est possible de simplifier et clarifier le langage sans l’appauvrir. Ne peut-on, de même, faire la promotion de ses propres services sans recourir à une forme d’exposition médiatique plus ou moins artificielle ? Il est vrai que l’élégance est une donnée difficile à quantifier.

Posture physique et ouverture d’esprit

Ces derniers temps, sur les photos partagées sur les réseaux, il semble de bon ton de se présenter les bras croisés, avec ou sans sourire. Les bras m’en tombent. Pour moi, c’est l’opposé d’une attitude ouverte à l’autre, qui invite à la communication et à l’échange. Mais c’est peut-être dans l’air du temps.

Pourtant, le grand carnaval des élections présidentielles nous présente un exemple criant de l’impact de l’attitude physique et de l’ambiance générale d’une image sur la communication. Arnaud Mercier, professeur en communication politique, a fait une analyse sémiologique édifiante des affiches de campagne de M. Macron et de Mme Le Pen pour le second tour qui montre combien l’attitude physique mais aussi l’image choisie, ses caractéristiques plastiques et symboliques révèlent l’intention de chacun des candidats – peut-être plus que leur programme, ce dont il n’y a pas lieu de se réjouir, mais c’est une élection comme ça, show must go on…

Faut-il dire numérique ou digital ?

Voilà une question qui semble sujet de préoccupation pour pas mal de monde sur la toile. Passionnée par le langage, je me suis penchée sur la question, envisageant même d’en faire le sujet d’un article qui présenterait des mots par paires en s’intéressant à leur évolution, à leurs différences, à leur improbabilité : internet et web, P.A.O. et mise en page, prospect et lead ; en citant certains exemples à mon avis absurdes tels que vacancelles ou courriel. Quand mes recherches m’eurent menée à « pain au chocolat ou chocolatine », je décidai que décidément ce n’était pas très intéressant.

J’ai beau être passionnée par les langues en général et par la langue française en particulier, faut pas exagérer : consacrer du temps et de l’encre (numérique) à débattre sur ce sujet me semble un peu vain. Toutefois, on peut se demander si, dans certains domaines, employer « numérique » plutôt que « digital » n’aurait pas l’air un peu désuet. « Désuet » semble aussi désuet dans le contexte. Tant pis, je le garde. Et je mets en exergue une citation de Gustave Thibon : « Être dans le vent : une ambition de feuille morte ».

Ces autorisations qu’on préfèrerait ne pas donner

Deux petits coups de gueule cette semaine concernant le respect de la vie privée et la sécurité informatique.

Le premier concerne la généralisation de l’obligation de partager sa position, entre autres autorisations parfois sans aucun rapport avec les services proposés, pour pouvoir utiliser bon nombre d’applis, payantes ou non, sur smartphone. Au risque, encore une fois, de paraître récalcitrante au changement, la géolocalisation automatique et systématique me semble une exploitation dangereuse et abusive des données personnelles et une atteinte à la vie privée.

Dommage pour les copains chinois, mais plus de WeChat pour moi !

Protection des données et infantilisation

Mon deuxième coup de gueule est plutôt un avertissement. Il concerne un service qui peut sembler pratique de prime abord mais qui pourrait bien être un peu crapuleux en creusant davantage : les organiseurs de boîte e-mail comme Unroll.me. Le principe : regrouper les newsletters et autres abonnements à des listes de diffusion pour les recevoir dans votre messagerie en un seul mail quotidien, ceci après vous être inscrit sur le site qui propose le service et lui avoir donné accès à toutes les données de votre boîte e-mail.

Le principe est enthousiasmant de prime abord : nous recevons tous tellement d’e-mails qu’on risque toujours de laisser passer une information vraiment importante, noyée dans le flux. De plus, l’outil propose de vous désabonner des mails que vous ne voulez plus recevoir. Les utilisateurs de Gmail apprécient particulièrement ce service car l’interface ne permet pas aisément de regrouper les e-mails de façon intuitive ou ergonomique.

Or Unroll.me a reconnu récemment revendre des données de ses utilisateurs. Pour estimer la nature de ces informations, rappelons que le service requiert un accès total à votre messagerie.

Moralité : rangez vous-même vos affaires ! Si vous voulez clarifier le flux des e-mails dans votre boîte de réception, prenez plutôt le temps de définir des filtres et des règles de messagerie dans Gmail, Outlook ou autre interface. Si vous ne savez pas comment faire, je peux vous montrer.

 

Image en illustration de cet article : Montage réalisé à partir d’une œuvre de Giuseppe Penone intitulée Rovesciare i propri occhi (« Retourner ses propres yeux »), 1970 (voir commentaire dans l’encadré ci-dessous).

Apprenez à discerner

Que ce soit pour :

  • la rédaction des contenus de votre site, de votre blog ou de vos newsletters,
  • une utilisation raisonnée de vos appareils connectés et des réseaux sociaux,
  • l’organisation et la sécurité de vos données numériques…

Je peux vous conseiller et vous proposer des formations sur mesure, éligibles au financement dans le cadre de la formation professionnelle continue*.

*Sous réserve de vos droits disponibles, renseignez-vous auprès de votre OPCA.

Retourner ses propres yeux

« Dans cet autoportrait de ses débuts, Giuseppe Penone se photographie portant des verres de contact miroir, réfléchissant la lumière, qui lui recouvrent l’iris et la pupille. Rendu ainsi physiquement aveugle par cette pellicule de verre, l’artiste dépasse les contingences de la réalité visuelle extérieure pour mieux se tourner vers son intériorité. Il semble aussi affirmer que le regard qu’un artiste porte sur le monde est comme un miroir, exacerbé par sa sensibilité, du monde lui-même.

Daniela Lancioni écrit à propos de l’artiste : «Penone cherche une identité retrouvée dans une société qui préférait l’apparence à l’être…». En recouvrant ses yeux de lentilles-miroirs, l’artiste pourrait bien vouloir marquer sa méfiance et son retrait par rapport aux visions trompeuses organisées par la société de spectacle. Société de plus en plus décriée par la jeunesse de l’époque (Guy Debord, La société du spectacle, 1967). »

[Source]

 

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