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Quelle place pour le public dans la performance artistique aujourd’hui ?

par | 28 Sep 2017

Je vais parler de performance. Non pas la performance de votre site web ou celle d’une stratégie de web marketing, mais la forme d’expression que l’on nomme « performance artistique ». Ce ne sera pas très bon pour mon SEO, mais c’est bien pour entretenir la pensée critique et créatrice !

Danse contemporaine et performance artistique à Avignon

Hier soir, j’ai assisté à un Mercredi sous la lune au Théâtre de l’Oulle, une scène permanente avignonnaise dont la qualité de la programmation et l’originalité des propositions méritent d’être saluées. Les Mercredis sous la lune proposent une ou deux fois par mois de découvrir gratuitement un travail chorégraphique en cours d’élaboration. La présentation dansée est suivie d’un échange avec le public.

Ce mois-ci, les spectateurs ont pu découvrir Undefined, la dernière création de la chorégraphe Ingrid Florin et du musicien/performer Fabrice Cattalano. Undefined est présenté comme « une proposition [qui place] la performance dans l’espace de l’indéfinissable : par l’abstraction sonore, l’instabilité du temps (…) Le musicien crée la mouvance sonore, la danseuse reflète la pensée de ce dernier par le mouvement (…) Chaque performance est différente et en constante remise en cause. Musique et danse tissent un lien spécifique : c’est une infinie extension de l’autre. »

Une performance artistique sombre et dissonante

C’est un format plutôt court, d’une demi-heure maximum. Sur la scène, quelques appareils de son avec effets numériques, un micro. Aux commandes, un homme vêtu de noir dans une tenue plutôt sport. Près de lui, d’abord à peine perceptible dans la pénombre, une silhouette, toute de noir vêtue également mais avec quelques paillettes qui accrochent les rares rais de lumière.

On verra bientôt qu’il s’agit de la danseuse. Celle-ci se met progressivement en mouvement cependant qu’une matière sonore emplit peu à peu l’espace. On entend d’abord des sortes de pulsations, puis des sons de plus en plus forts qui évoluent vers des rythmes saccadés auxquels se mêle la voix du musicien performer, transformée par des effets de distorsion.

Des effets visuels accompagnent cette texture sonore, que j’ai perçue comme une création plastique plus que musicale. Le côté par moments dissonant de cette musique m’évoque un univers musical différent, tout aussi tourmenté : les sirènes et les voix stridentes des compositions de Iannis Xenakis dans les années 1960s-1970s, en particulier les Nuits (1967). L’univers de ce compositeur grec contemporain est également intimement lié aux arts plastiques, à l’organisation de l’espace et aux technologies que l’on appelle aujourd’hui numériques : il a été le premier Européen à utiliser un ordinateur pour composer de la musique.

Les mouvements du corps et les sursauts de l’âme

La danse suit les mouvements de la musique, accentuant son caractère organique. L’ensemble très électro donne une impression sombre et torturée, évoquant une esthétique de l’ombre, une introspection angoissée qui place un peu le public en voyeur. L’ambiance rappelle aussi l’univers gothique des années 1990s.

La chorégraphe dit d’ailleurs que sa démarche de performer puise aux sources de l’Actionnisme viennois, mouvement artistique allemand radical né dans les années 1960s qui implique le corps (celui des artistes mais aussi celui du public) dans le moment artistique, souvent de manière violente. Certains des représentants de ce mouvement, comme Hermann Nitsch, associent différentes formes de création artistique dans leur processus créatif (peinture, architecture, musique…) pour favoriser chez les spectateurs ou participants un état de tension sensorielle exacerbée susceptible de conduire à une prise de conscience existentielle. La psychanalyse s’invite dans cette démarche artistique.

La performance artistique, outil de questionnement majeur

Issue des tendances les plus conceptuelles des Arts Plastiques, la performance a conduit à une remise en question de l’espace muséal et des lieux de l’art, investissant les endroits les plus divers pour mettre l’art au cœur du vivant. Progressivement adoptée comme moyen d’expression par des danseurs et chorégraphes comme Anna Halprin ou Trisha Brown, elle a de même été pour eux un moyen de déconstruire les espaces de représentation scénique conventionnels et d’aller à la rencontre du public. Des musiciens, des vidéastes, des artistes du numérique exploitent également le vaste champ de possibilités créatives de la performance.

La performance nous convoque aujourd’hui le plus souvent dans les théâtres et, quelquefois, dans les musées d’art contemporain. La performance artistique s’est-elle institutionnalisée ? Victime de son succès, aurait-elle perdu son âme ?

L’originalité de la démarche de l’artiste performer résidait initialement en grande partie dans l’implication du public, la participation active de celui-ci, volontairement ou non d’ailleurs, au processus artistique en train de se vivre, ici et maintenant, sans possibilité d’être reproduit à l’identique, même partiellement.

Acte unique, gratuit, polémique, politique, psychanalytique. Acte de création et de re-création total, toujours réinventé.

Le spectateur d’une performance peut-il être passif ?

Sans révolutionner l’espace chorégraphique ou scénographique, Undefined suscite questionnement et émotion, et dérange un peu notre confort sensoriel. Son côté « pas fini », qui fait partie de la pièce, a quelque chose de rafraîchissant. Paradoxalement, c’est cette fraîcheur qui le relie, me semble-t-il, aux performances des origines.

Mais comme la grande majorité des créations présentées comme des performances sur les scènes des théâtres, il n’y a plus aucune interaction réelle avec le public (sinon l’échange suivant la représentation, qui finalement fait peut-être partie du spectacle, lequel devrait peut-être être appelé plutôt processus).

Peut-on alors vraiment parler encore de performance ?

Image d’illustration de cet article : Performance de Hermann Nitsch sur le thème du sacrifice rituel en juin 2017 (source)

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Film sur Anna Halprin sorti en 2012  présentant le parcours exceptionnel de cette pionnière engagée de la danse, de la performance et de l’art contemporain, qui, à 97 ans, danse encore !

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