La transformation numérique : changement radical ou voie progressive ?

Est-ce qu’on pourrait œuvrer à la promotion du numérique, ou du « digital », puisque le terme semble être plus à la mode, sans (se) raconter qu’on est en train de révolutionner le monde ?

Est-ce qu’on pourrait travailler à une économie plus juste, à des relations plus saines au sein de l’entreprise sans (se faire) passer pour un prophète ?

Est-ce qu’on pourrait faire simple, être simple ?

Des mots et des idées

« Les mots servent à exprimer les idées. Quand l’idée est saisie, oubliez les mots. » (Tchouang Tseu)

On observe l’inverse dans notre société : prenez une idée, servez-vous en pour marteler un discours, puis oubliez l’idée et gardez les mots.

Le RGPD est un bon exemple de ce phénomène pervers. Que n’avons-nous lu, que ne lisons-nous à ce sujet ! Du marketing de la peur aux récupérations pseudo-philosophiques, combien se soucient vraiment de « juste » respecter la vie privée de l’autre, des autres ? Il ne faut pas utiliser les informations dont on dispose sur quelqu’un à des fins commerciales sans son consentement. Quelle découverte révolutionnaire !…

Toute ironie mise à part, je déplore l’usage pauvre et réducteur qui est fait des mots dans notre environnement où la « communication » est partout. On peut s’interroger sur les attentes de cette société, sur ce qu’est une entreprise aujourd’hui. Sur les perspectives d’évolution d’un monde qui a besoin d’une loi pour signaler que respecter la vie privée d’autrui est une nécessité.

L’idée qu’on se fait du numérique

L’inclusion numérique est l’un des grands challenges actuels de notre pays. Le numérique pour tous, en accord avec l’idéal démocratique d’égalité des chances.

Est-ce qu’on favorise vraiment ce mouvement en développant un langage un peu abscons sur le sujet ? Je lis et j’entends « être digital », « femme digitale »… Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Alors que nombreux sont ceux qui ne comprennent même pas vraiment de quoi on parle quand on dit « communication digitale ».

Pour le non-spécialiste de l’informatique et d’internet, « numérique » est plus accessible que « digital » (mais moins tendance). Entre les discours officiels sur la startup nation et la smart city, les matraquages marketing et sa réalité technologique quotidienne, le Français moyen a de quoi se sentir un peu perdu et même passablement exclu du grand progrès annoncé.

Festina lente*

Il me semble essentiel de prendre en compte la quantité de changement que chaque organisme (personne, entreprise, association, collectivité…) est capable d’intégrer dans de bonnes conditions, à l’étape de développement où il se trouve.

Les actions efficaces et adaptées sont rarement des solutions spectaculaires. C’est du rationnel, du simple, du projet qui fait son job. Cela permet d’amorcer un réel processus de changement, un développement véritablement durable.

Comme pour le RGPD, je ne crois pas au grand bouleversement, ni au scénario catastrophe. Je pense qu’il est important que tout le monde commence sa démarche de conformité, tout comme sa transition numérique, en douceur, à son rythme. Il faut bien commencer quelque part.

La transformation numérique est en cours, de toute façon. Pour moi, il ne peut pas s’agir d’un changement radical. Plutôt d’un processus progressif. De même, l’entreprise en France (ou ailleurs), ce n’est pas seulement le phénomène startup. C’est aussi tout un écosystème qui perdure depuis des décennies, des siècles… C’est une tradition qui se poursuit. Le nouveau ne se bâtit jamais à partir de rien.

En conclusion, et c’est un peu l’objet de cette réflexion, faisons preuve d’un peu d’humilité dans nos discours et gageons que cela donnera de la grandeur, de la densité à nos réalisations. Et vivons avec notre temps – pas plus, pas moins.

« Être dans le vent : une ambition de feuille morte. » (Auguste Thibon)

*Hâtons-nous lentement